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mort numérique

Réseaux sociaux et mort numérique: comment s’y retrouver ?

Pour beaucoup d’entre nous, les réseaux sociaux font maintenant partie de notre paysage quotidien, et le nombre d’utilisateurs est en constante augmentation sur la toile.

Le contexte

A travers les monde – 8 milliards d’individus annoncés en novembre 2022 – plus de 59% de la population mondiale se connecte tous les jours sur les réseaux sociaux, soit un peu moins de 5 milliards d’utilisateurs actifs quotidiennement.

Nombre d'utilisateurs internet

La population mondiale va atteindre 8 milliards d’êtres humains d’ici la mi-novembre 2022. © We Are Social / Hootsuite

En France ce ne sont pas moins de 52,6 millions d’utilisateurs qui tous les jours sont actifs sur les réseaux sociaux, ce qui représente 80.3% de la population.

Mais que deviennent tous ces comptes lorsque leur utilisateur décède ?

J’avais un ami, il s’appelait Pierre. Retraité, il était parti vivre dans un pays lointain. Difficile de lui rendre visite au fin fond de l’Asie, alors il restait internet pour garder le contact. Un jour il est tombé gravement malade, et il est mort. Cela fait maintenant déjà quelques années. Mais si je tape son nom sur un moteur de recherche dans un réseau social, il m’est indiqué que nous avons 12 contacts en commun, et on me propose de lui envoyer un message. Tout en me faisant remarquer que Pierre n’a semble-t-il rien publié sur le réseau depuis un certain temps …

La mort numérique.

Dixit la CNIL, « chaque jour, près de 8 000 personnes inscrites sur Facebook décèdent dans le monde: leurs pages sont laissées à l’abandon ou transformées en pages posthumes. De la même manière que l’on parle de la gestion de sa vie en ligne, il est logique de s’interroger sur le devenir de nos données après notre mort ».
Dans le même registre, l’Université d’Oxford a publié une enquête selon laquelle en 2070, il y aurait plus de comptes Facebook de défunts que de vivants.

Pourquoi est-ce que Pierre semble toujours "vivant" sur internet?

La suppression d’un profil numérique répond à principe: c’est un droit à exercer, avec des preuves à apporter. De base, sans action particulière d’un tiers, l’identité numérique d’une personne décédée reste préservée après sa mort.

Que dit la loi?

Depuis 2016, la loi française prévoit un « droit à la mort numérique ». Pour cela, la façon la plus simple et la plus directe est que le défunt ait au préalable mis en place une directive anticipée, qu’elle soit générale ou particulière.
Il nous est en effet possible pour chacun d’entre nous de désigner un « tiers de confiance numérique », certifié par la CNIL. C’est cette personne qui sera légalement en charge de la gestion de nos données numériques après notre décès.
Dans le cas où cette démarche n’aurait pas été effectuée, ce sont les héritiers qui seront en charge de la gestion des données numériques du défunt et qui pourront s’ils le souhaitent demander l’effacement de l’ensemble des données internet liées au défunt ou la suppression de ses comptes sur les réseaux sociaux.
Sans action particulière de ces tiers ainsi identifiés, même en l’absence d’activité du compte – absence d’activité n’est pas forcément synonyme de décès- un réseau social ne prendra pas la liberté de supprimer un profil.
Alors, en l’absence de directives contraires du défunt, comment est-ce que les héritiers peuvent faire supprimer un compte e-mail / modifier un profil de réseau social?

Les réseaux sociaux ont organisé des plateformes de suppression ou de désactivation des profils des personnes décédées.

mort numérique

Ces plateformes permettent au titre de la réglementation (art. 85 de la loi Informatique et Libertés) relative à la protection des données personnelles que les héritiers d’une personne décédée justifiant de leur identité peuvent demander au responsable d’un fichier de tenir compte du décès de celle-ci, et de procéder à l’actualisation de ses données. Selon les réseaux sociaux, cette actualisation peut aller de la suppression pure et simple du compte et des données jusqu’à la transformation du compte en « mémorial » permettant ainsi aux proches du défunt de se recueillir et d’échanger entre eux. Une sorte d’éternité numérique à propos de laquelle certains s’interrogent. Les algorithmes des réseaux sociaux font régulièrement remonter des souvenirs sur les fils d’actualité, et heurtent parfois les proches, en leur rappelant de façon brutale le décès de la personne.

Cette gestion posthume des données est gérée de façon différente par chaque plateforme, et pour agir il faudra les contacter une par une. Et cela peut ressembler à un parcours d’obstacle dont les démarches viennent s’ajouter à celles déjà lourdes du décès.

mort numérique: un labyrinthe ...

Facebook

Du côté de Meta, maison-mère de Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger, il existe deux possibilités : celle qui consiste à supprimer le compte, et celle qui permet de le transformer en compte « mémorial » de commémoration.
Pour aider la famille ou les proches d’un utilisateur décédé, Meta demande à recevoir un document confirmant que le demandeur est bien un membre de la famille proche ou un exécuteur testamentaire du titulaire du compte. Il faut donc prouver son identité -typiquement un acte de naissance, voire un testament- , et également transmettre à la firme californienne la version numérique (scat ou photo) de l’acte de décès du proche. « Si vous ne l’avez pas, vous devrez nous fournir une preuve d’autorité et une preuve du décès de votre proche », indique l’entreprise aux réseaux sociaux.
Une fois que la demande de suppression a été initiée, il faudra compter 30 jours pour quelle compte et toutes les informations qu’il contient soient définitivement supprimés. A ce stade, il deviendra impossible de les récupérer. Ensuite pour supprimer tout ce qu’a pu publier sur Facebook le propriétaire du compte il faudra patienter jusqu’à 90 jours.

L’autre option proposée par Meta est le compte de commémoration. Dès lors que Meta est informé du décès d’un utilisateur et s’il n’y a pas de demande de suppression, il transforme automatiquement le compte en compte de commémoration. Cela permet entre autre de le sécuriser et d’éviter qu’un inconnu ne s’en empare. Dès lors, tout le contenu partagé par le défunt (les photos, vidéos, publications) reste sur Facebook et demeure visible par son audience. L’expression « En souvenir de » s’affiche à côté du nom de la personne sur son profil, les amis du compte peuvent partager leurs souvenirs sur le journal de commémoration, en fonction des paramètres de confidentialité. A noter que les profils commémoratifs ne font pas l’objet de suggestions ni de rappels pour les anniversaires par exemple.
Meta permet à un propriétaire de compte de désigner une personne qui pourra gérer le compte lorsque celui-ci sera transformé en compte de commémoration. Le contact légataire peut notamment :
accepter des invitations, écrire, épingler ou supprimer une publication d’hommage sur le profil 
modifier la photo de profil ainsi que celle de couverture 
retirer les identifications ajoutées par d’autres personnes et éventuellement décider de supprimer le compte définitivement.
Il ne peut en revanche pas se connecter au compte ni lire les messages. Toutefois, il lui est possible de demander à obtenir une copie des contenus que le propriétaire du compte avait partagés sur Facebook.
Attention, les comptes de commémoration sans contact légataire ne peuvent pas être modifiés.

Google

« Gestionnaire de compte inactif »
Cette fonction particulière est une sorte de testament numérique dédié aux comptes Google. Vous pouvez spécifier les coordonnées d’une personne à contacter dans le cas où votre compte serait inactif depuis un certain temps, puis de partager avec elle une partie des données du compte.
A vous de déterminer lors du paramétrage la durée au bout de laquelle Google considérera qu’un compte sans activité devient « inactif ».
Quatre délais sont proposés:

  • 3 mois
  • 6 mois
  • 12 mois
  • 18 mois

Google essaiera de prendre contact avec vous 1 mois avant l’expiration du délai, si celui-ci est de 3 mois d’inactivité, 2 mois avant l’expiration s’il est de 6 mois, et 6 mois avec expiration si le délai d’inactivité est de 12 ou 18 mois. Pour ce faire e par sécurité, l’entreprise vous demande de remplir un numéro de téléphone, un e-mail de contact et un second de récupération.
Ensuite vous devez choisir une ou plusieurs personnes à avertir (jusqu’à 10), après que le compte Google ait été détecté « inactif », en renseignant pour chacune une adresse mail. Cette ou ces personne(s) pourra ou pourront avoir accès à certaines données du compte inactif, dans un délai de 3 mois après la désactivation du compte Google. Attention, ces données concernent Chrome , l’agenda, les actualités, les achats et réservations, les contacts, le drive, Google Photos, Google Pay, Google Fit, Maps, la messagerie Gmail, l’historique des positions et les données YouTube. Bref, quasiment tout …
Et finalement, arrive l’étape de la suppression éventuelle et définitive du compte Google et de la suppression de l’intégralité de ses données. Si vous sélectionnez l’option « Oui, supprimer mon compte Google inactif », celui-ci sera supprimé trois mois après avoir été considéré comme inactif.
https://myaccount.google.com/inactive

Microsoft/Outlook

Microsoft propose à un tiers de fermer lui-même directement un compte, dès lors que ce tiers connaisse les informations d’identification du compte à fermer – procédure « normale » quand un utilisateur décide de son vivant de supprimer un compte Microsoft.

Sans intervention d’un tiers, le compte sera, dans tous les cas, fermé après deux ans d’inactivité.
Si vous avez accès au compte et que vous décidez de le fermer, Microsoft prend en compte un délai de 60 jours avant la fermeture définitive, délai durant lequel il est possible de le réactiver. Au-delà des 60 jours, sans intervention, le compte et toutes ses données sont définitivement supprimées.
Dans le cas où vous n’avez pas accès au compte, Microsoft conseille de vérifier que tous les abonnements sont annulés. Cela peut se faire soit en fermant le compte bancaire ou la carte du client, soit en révoquant les autorisations et en informant la banque. Les comptes Outlook et OneDrive sont bloqués après un an, et la suppression des courriers électroniques et fichiers hébergés est effectuée « peu de temps après », dixit Microsoft.
Enfin, si les proches ou la famille souhaitent accéder au compte et à ses données, Microsoft demande à être saisi par voie d’assignation ou par toute autre décision de justice qui permettrait d’examiner la possibilité de divulgation légale des informations d’un utilisateur décédé, pour l’ensemble des services Microsoft. Sans garantie que Microsoft procède in fine à la divulgation des données.

LinkedIn

LinkedIn permet à un tiers d’agir pour le compte d’un membre décédé, du moment qu’il en a l’autorisation. Il est alors possible de transformer le compte, comme pour les réseaux sociaux de Meta, en compte de commémoration, ou alors de le fermer. En cas de fermeture, la maison-mère Microsoft promet une suppression définitive des données le 21e jour suivant la fermeture.
La transformation en compte de commémoration ou la fermeture nécessite divers informations et documents, comme la copie du certificat de décès ou, au choix, une lettre testamentaire, une lettre de représentation ou une lettre de l’Administration.

Yahoo

Tout se passe depuis le lien d’aide en ligne. A noter que Yahoo ne permettra pas d’accéder aux données du défunt, sauf en cas de possession d’une ordonnance d’un tribunal irlandais.

Twitter

Twitter permet aussi à un proche de prendre contact avec le réseau social pour que le compte de la personne décédée soit désactivé. Une fois la demande effectuée, c’est ensuite Twitter qui reprend contact avec l’entourage du défunt pour demander plus d’informations sur la démarche, comme la copie du certificat de décès et la copie de la carte d’identité de celle ou celui qui est à l’origine de la demande.
Ici il ne sera pas possible d’accéder au compte de la personne décédée, et ce quel que soit le lien de parenté. Toutefois, le réseau social se réserve le droit de supprimer les images et vidéos montrant le défunt qui ont pu être publiés sur la plateforme, que ce soit juste avant ou juste après son décès, en cas de demande de la famille ou du représentant autorisé.
Reste à voir comment évolueront ces règles suite au rachat récent de Tweeter par Elon Musk …

Netflix

Du côté des plateformes de streaming vidéo, Netflix propose une procédure similaire à la procédure d’annulation de l’abonnement, ouverte aux proches et à la famille du titulaire du compte décédé. Si vous n’avez pas accès au compte en question, la plateforme réclame l’e-mail et numéro de téléphone associés au compte, ainsi que les informations de paiement complètes qui furent utilisées pour payer l’abonnement.

Amazon

Les proches doivent fournir une copie de l’acte de décès par mail à l’adresse bereavement-support@amazon.fr.

Paypal

Démarche plus lourde … L’exécuteur ou l’administrateur judiciaire doit envoyer un mail à l’adresse europeanservices@paypal.com et transmettre en plus de ses coordonnées, de ses papiers d’identité et de la copie du certificat de décès : la copie du testament (s’il existe), ou à défaut une déclaration désignant l’administrateur ainsi que son droit dans la succession et sa relation avec la personne décédée, une copie signée du formulaire d’indemnisation standard, une note indiquant la marche à suivre concernant l’argent restant sur le compte Paypal.

A noter
Lorsqu’une personne s’estime lésée par le traitement de données concernant un proche décédé, elle peut saisir les tribunaux pour demander réparation du préjudice subi. De même, les héritiers peuvent saisir les tribunaux lorsque l’utilisation de données personnelles relatives à une personne décédée porte atteinte à la mémoire, la réputation ou à l’honneur de cette personne ou leur cause un autre type préjudice.

Et Pierre dans tout ça?

Pierre était un ami proche, mais pas au sens juridique du terme.  N’ayant aucune possibilité de faire acter  son décès par le réseau social, la seule chose que je pourrais faire serait de le supprimer de mes contacts, de le faire disparaître de mon propre univers numérique. Mais je ne l’ai jamais fait. J’aurais l’impression de le perdre une seconde fois …

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